Le prix du millénaire pour Grigori Perelman
Par Didier Müller, samedi 20 mars 2010 à 10:39 - Actu - #1551 - rss
Génie des maths ou savant fou?
Il a résolu l'un des problèmes de mathématiques les plus difficiles posés au 20e siècle, tellement dur que tout le monde s'y est cassé les dents. Pourtant le Russe Grigori Perelman refuse tous les honneurs et vie reclus. Il n'ira pas chercher son million de dollars de récompense.
Il est l'un des plus grands mathématiciens de notre époque. Grigori Perelman a cumulé les plus grands honneurs dans sa discipline. Et, jeudi, l'Institut Clay pour les mathématiques, basé aux Etats-Unis, l'a de nouveau récompensé car il a résolu la "conjecture de Poincaré", listée par l'organisation comme l'un des sept problèmes de maths les plus difficiles posés au 20e siècle, dans le cadre de son "Prix du Millénaire". L'initiative, lancée en 2000, avait pour but de mieux faire connaître au grand public cette discipline et ceux qui l'exercent. Ainsi, au-delà de la récompense, chaque mathématicien récompensé recevra la somme d'un million de dollars. Mais le Russe, âgé de 43 ans et première personne ainsi gratifiée par le concours, n'ira pas les chercher.
Car Grigori Perelman n'est pas un mathématicien comme les autres et n'a jamais obéi aux canons de la science. Décrit par ses collègues comme timide, presque muet, ne pensant qu'au travail, cet expert en "topologie géométrique" a travaillé dans l'ombre pendant de nombreuses années et trouvé la solution de la conjecture de Poincaré en 2002. Le problème avait jusque là résisté depuis son énonciation en 1904 par Henri Poincaré, l'un des plus grands savants français. En résumé, il s'agit d'une hypothèse qui traite des propriétés des sphères à trois dimensions. En l'écrivant pour la première fois, son auteur, qui n'en avait pas lui-même la solution, estimait déjà que "cette question nous entraînerait trop loin". En un siècle, tous les plus grands mathématiciens s'y sont cassé les dents, personne n'arrivant à confirmer ou à infirmer la conjecture. Grigori Perelman a donc bien réalisé une prouesse. Il "a développé ses nouvelles idées et ses méthodes avec une grande maîtrise technique et a décrit les résultats obtenus avec élégance et concision. Les mathématiques en ont été grandement enrichies", explique ainsi l'Institut Clay dans un communiqué.
Rétif aux prix
Mais là où ses confrères auraient convoqué une foule de spécialistes pour évoquer une telle réussite ou auraient tenté de publier les résultats dans les plus grandes revues scientifiques, comme c'est le cas pour ce genre de découverte, le Russe a simplement publié son texte sur Internet. Le 11 novembre 2002, les 39 pages de sa démonstration sont déposées - sans aucun commentaire - sur une plateforme gratuite, destinée aux scientifiques. Perelman n'avait alors plus donné signe de vie depuis sept ans, disparaissant totalement du milieu scientifique. Il sortit de son silence un an plus tard pour donner des conférences de presse, afin de s'expliquer, ce que tout le monde attendait. Ses pairs ont alors mis à peu près trois ans pour vérifier ses conclusions, toutes justes.
La suite n'est qu'une histoire de fuite. En 2005, il démissionne de l'institut russe dans lequel il travaillait depuis plus de 15 ans. Il a toujours évité les médias, vivant dans l'ombre et cultivant un style hirsute. Selon ses proches, il a toujours préféré les balades en forêt à la compagnie des hommes. Pour la résolution de ce problème réputé insoluble, le milieu lui a fait les plus grands honneurs. Il fut ainsi récompensé par la plus haute distinction pour les mathématiques, la médaille Fields, peut-être plus prestigieuse qu'un Nobel (le prix Nobel de mathématiques n'existe pas) car délivrée seulement tous les quatre ans. Mais, il ne se rendit jamais à la cérémonie et refusa la médaille. Nul doute qu'il n'ira pas non plus chercher son chèque d'un million de dollars, qui doit lui être remis début juin à Paris.
Vivien Vergnaud, le 19 mars 2010 - leJDD.fr
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