Chez l’homme, l’oxygène, qui est le comburant de la vie, est apporté jusqu’aux cellules par le sang. Cet oxygène est transféré depuis l’air qui nous entoure vers le sang au travers de milliers de petits échangeurs contenus dans les poumons, les acini. Si l’on additionne les surfaces totales de ces acini, on obtient près de 100 m2 chez l’adulte ! Il faut donc pouvoir accéder à ces échangeurs, via un circuit de distribution efficace et robuste : c’est l’arbre trachéobronchique, un extraordinaire système de distribution comportant en moyenne 23 niveaux de bifurcations. La géométrie de cet arbre est très proche d’une structure hiérarchique ou fractale, c’est-à-dire qu’un zoom sur une sous-partie de l’arbre fait apparaître une structure très proche de la structure complète. Un tel arbre est caractérisé par son facteur d’échelle qui désigne le rapport entre tailles de bronches de générations consécutives (on parle aussi en mathématiques de lois d’échelle).
Mais cet étonnant circuit de distribution est également la voie de retour des gaz de combustion issus du fonctionnement des cellules de l’organisme, en d’autres termes le dioxyde de carbone, ou CO2. A ce titre, cet arbre doit donc simultanément satisfaire à de nombreuses contraintes :

  • Son volume doit être relativement restreint, afin de laisser le maximum de place aux acini qui assurent, eux, la vraie fonction d’échange gazeux. Une formule mathématique permet de calculer exactement le volume d’un tel arbre en fonction de son facteur d’échelle.
  • La résistance qu’il oppose à l’écoulement de l’air doit être raisonnable, sans quoi l’acte de respiration réclamerait un effort démesuré à chaque inspiration. Or, plus les tuyaux sont petits, plus leur résistance aérodynamique est importante. Cette contrainte vient donc s’opposer à la contrainte précédente. Encore une fois, cette résistance peut se calculer quasiment exactement dans une géométrie fractale en fonction du facteur d’échelle.
  • Il doit être rapide, car l’air frais doit parvenir jusqu’aux alvéoles des acini en moins de deux secondes au repos et en moins d’une seconde durant l’exercice, avant que l’expiration ne débute. Ce temps dépend simplement des lois d’échelle de l’arbre.
Il ne doit pas laisser passer trop facilement les particules contenues dans l’air, car sinon ce serait courir le risque d’exposer cette remarquable superficie de 100 m2 à la pollution et aux agents pathogènes extérieurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un grand nombre d’infections débute dans la région pulmonaire. Et, de façon étonnante, cette propriété de filtre s’exprime encore directement en fonction du facteur d’échelle.
De taille réduite et cependant peu résistif, laissant passer rapidement l’air mais filtrant les particules et aérosols, on pourrait croire qu’aucun arbre ne peut satisfaire à la fois toutes ces contraintes apparemment si contradictoires. Or, on peut démontrer mathématiquement qu’une telle structure idéale existe. Et, miracle, les lois d’échelle que vérifie l’arbre trachéobronchique sont très proches de celles prédites par la structure optimale. L’arbre réel est simplement un peu plus large que nécessaire, afin d’être robuste face à une possible constriction des voies aériennes. Et voilà comment l’on respire grâce à une structure quasi-fractale à la fois quasi-optimale et robuste.

Source : Mathématique de la planète Terre