Le principal magnétoscope en ligne, Wizzgo, a été contraint mercredi par la justice de suspendre son service, mais les promoteurs de ces nouvelles offres de télévision sur internet restent persuadés que l'avenir ne pourra se faire sans eux.
Dans l'immédiat, le coup est rude pour les 320.000 internautes déjà habitués à utiliser Wizzgo pour enregistrer en quelques clics les programmes de n'importe quelle chaîne gratuite de la TNT, et les regarder ensuite à leur convenance sur leur ordinateur ou leur lecteur MP3.
Ce service pionnier, en France mais aussi en Europe selon ses promoteurs, a annoncé mercredi suspendre son fonctionnement, avec effet immédiat, au lendemain d'une amende massue infligée par la justice pour "contrefaçon". Le tribunal de grande instance de Paris a condamné Wizzgo, lancé le 19 mai dernier, à verser un demi-million d'euros au groupe M6 pour avoir illégalement copié ses programmes, en attendant de déterminer le préjudice subi par TF1 et NT1, autres chaînes plaignantes.
"Cette décision est tellement incroyablement sévère qu'elle ne nous donne pas le choix. Nous allons très probablement faire appel", a réagi auprès de l'AFP un des deux cofondateurs de Wizzgo, Jérôme Tallié-Rousseau. Cet entrepreneur de 36 ans ne se fait pas beaucoup d'illusion: "il est tout à fait possible que Wizzgo, une start-up de 11 personnes, ne survive pas à une telle condamnation". "Mais de façon inéluctable, on va vers ce type de service. C'est l'évolution naturelle des technologies. Wizzgo a eu raison trop tôt", estime-t-il.
Au coeur de cette affaire, comme de toutes celles liées à l'émergence d'internet dans le monde des médias et du divertissement, la question du droit d'auteur et de la propriété des oeuvres. Les groupes et chaînes qui ont attaqué Wizzgo -- M6, TF1, France Télévisions -- lui reprochent de piller sans vergogne les films et programmes dont ils ont acquis, parfois à prix d'or, les droits de production ou de diffusion. Il est vrai que Wizzgo, entièrement gratuit pour l'usager, comptait se rémunérer à terme par la publicité qu'il aurait vendu autour de son logiciel d'application.
Mais Wizzgo estime n'être rien d'autre que le bon vieux magnétoscope à cassettes, adapté simplement au monde numérique d'aujourd'hui. Pour preuve, ses concepteurs affirment avoir demandé, en vain, à être soumis à la taxe pour la copie privée, imposée à tous les supports d'enregistrement -- magnétoscope, disque dur, lecteur MP3 etc --. La différence, de taille, est que cette taxe sert à rémunérer les ayant-droits, les auteurs des oeuvres, et non les chaînes qui ont acheté le droit de les diffuser. Selon un juriste spécialiste des droits sur internet, Stéphane Grégoire, également interrogé par l'AFP, "la solution serait de négocier des accords avec les diffuseurs".
Que Wizzgo renaisse ou non, deux autres services en ligne lui ont déjà emboîté le pas, "recordme.tv" et "teleobs.nouvelobs.com". Responsable de ce dernier site, Alexandre Boussageon estime "avoir fait quelque chose d'assez différent de Wizzgo" avec un système qui n'est pas destiné à gagner de l'argent, et dans lequel l'internaute ne stocke pas les programmes sur son disque dur, ne pouvant ainsi les copier ou en faire le commerce. "Il y a eu et il y a encore des discussions entre nos avocats et ceux de TF1 et M6" dans le but "d'arriver à un accord", poursuit-il. Mais lui aussi estime être dans le sens de l'évolution technique. "A terme on ne peut pas se contenter de condamner Wizzgo, il faudra évidemment trouver un système respectueux des droits d'auteurs, des chaînes et des diffuseurs", estime-t-il.