L'émission A Bon Entendeur se penche sur les albums Panini. Voir l'émission (en bas de la page d'ABE). Voici la transcription :

Trois semaines avant le coup d'envoi de la coupe du monde, le moment idéal pour une émission spéciale foot. L'équipe d'ABE a enfilé son maillot, sorti les bières devant la télé... et presque fini son album Panini ! Au programme, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les fameuses vignettes. Y-a-t-il pénurie volontaire de certaines cartes, moins de Ronaldinho que d'obscurs joueurs coréens? Un Senderos vaut-il trois Ribéry? Combien dépenser pour un album complet? Achat de cartons, troc, quelle est la meilleure stratégie pour finir un album à moindre frais ? Pour ABE deux mathématiciens confirmeront ou démentiront les rumeurs des collectionneurs.

Panini : des vignettes rares ?

Les Suisses sont de véritables Paninomaniaques : 250 millions de vignettes devraient être vendues dans notre pays en cette année de Coupe du monde !

Panini soigne donc tout particulièrement ses supporters helvétiques et propose même une édition spéciale Suisse du fameux album, avec 20 vignettes supplémentaires. Panini, c'est une véritable poule aux oeufs d'or, un business présent dans 100 pays, qui a rapporté près de 900 millions de frs l'année dernière. Mais l'entreprise italienne organise-t-elle volontairement la pénurie de certaines cartes ? Y a-t-il plus de vignettes de joueurs slovènes que de stars brésiliennes ? Certains mordus sont convaincus qu'en la matière le hasard n'existe pas ! Vrai ou faux ?

En ce mercredi ensoleillé du mois d'avril, rendez-vous avec les juniors d'Etoile Carouge et du FC Donzelle. Aussitôt le match fini, ces Djourous et Senderos en herbe se précipitent sur leurs vignettes. Pas de doute, la saison des Paninis a commencé et le « mercato » bat son plein.

Mais combien de temps faut-il pour remplir un album ? Quelle technique est la plus payante ? De l'aveu de l'un de ces jeunes passionnés « si on achète un carton ça va plus vite parce que yen a 500 dedans... »

Et les parents dépensent sans compter ! Selon un papa présent ce jour-là, « il faut bien compter entre 150.-- et 200.-- frs par album.»

La firme italienne sait surtout fidéliser ses aficionados. Cafétéria de la TSR, nous retrouvons trois paninophiles bien connus des téléspectateurs romands, en pleine transaction.

Romain Glassey, 35 ans, journaliste au département des sports est tombé dans la marmite Panini en 1982. Il nous avoue en rigolant : « chaque année je me dis non! Et puis je craque... »

Tania Chityl, 40 ans, journaliste à TSR Découvertes a commencé à collectionner les vignettes en 2006. Les albums Panini pour elle, une activité familiale qu'elle aime partager avec ses enfants.

Enfin, Pierre Poullier, 42 ans, également journaliste sportif à la TSR, collectionne les Panini depuis 1978. Cette année, c'est sa femme qui lui a donné un bon prétexte : collectionner les vignettes 2010 pour que leur bébé ait l'album de son année de naissance!

Panini ou la madeleine de Proust des 30-40 ans ! Nos trois journalistes se souviennent avec nostalgie des albums de leur enfance : les coupes de cheveux improbables des joueurs allemands des années 80, le regard inquiétant du bulgare Trifon Ivanov « le Brad Pitt des Carpates » dixit Romain Glassey.

Mais certaines choses demeurent immuables, comme cette nette impression que les dés sont pipés. Pierre Poullier a des doutes sur la juste répartition des cartes : « Rumeur ou pas...on est en Suisse et l'équipe la moins représentée dans mon album, c'est l'équipe suisse.»

Une des clés du succès Panini, c'est le mystère qui entoure la répartition des 660 vignettes. Certaines cartes seraient plus difficiles à obtenir. « Je constate que Messi meilleur joueur du monde, je l'ai pas... » précise encore Pierre Poullier.

Une théorie du complot que l'on retrouve chez les plus jeunes : « C'est obligé, sinon on finirait les albums trop vite ! ». Et les enfants sont unanimes, la carte la plus rare cette année, c'est la « Panini 000 », la première de l'album.

Mais y a-t-il vraiment des vignettes rares ? moins de Ronaldhino que de joueurs slovènes ? La Nati est-elle sous représentée ? Bref, y a-t-il pénurie volontaire et organisée, bien que Panini s'en défende?

ABE a décidé de répondre à ces questions cruciales une bonne fois pour toute ! Nous avons demandé à Sylvain Sardy et Yvan Velenik, deux mathématiciens de l'Université de Genève, de faire toute la lumière sur ces rumeurs.

La méthode suivie par nos deux mathématiciens, expliquée par Yvan Velenik, est simple : « Afin de vérifier que la distribution des cartes est homogène, c'est-à-dire qu'aucune des cartes n'est sur-représentée ou sous-représentée, ce qu'on a fait c'est faire acheter 6000 vignettes par l'équipe de l'émission. »

6000 vignettes, soit 12 boîtes achetées dans quatre cantons différents. L'équipe d'ABE a scrupuleusement noté la fréquence de chacune des cartes. Un album Panini compte 660 vignettes. La logique voudrait donc que l'échantillon comporte en moyenne 9 cartes pour chaque numéro.

« Naturellement il y a des fluctuations aléatoires, et le test qu'on a utilisé consiste à mesurer si ces fluctuations autour de ces valeurs moyennes sont normales ou si elles sont anormales.» précise le statisticien Sylvain Sardy.

Mais laissons nos deux scientifiques à leurs calculs pour l'instant.

Parallèlement à ce test, nous avons voulu procéder à une expérience grandeur nature. Samantha, 15 ans, fan de foot et de Senderos est experte en Paninis. Pour obtenir les vignettes convoitées, elle utilise d'ailleurs toutes les techniques disponibles. « Pour les échanges, on va sur Facebook ou MSN... et à l'école aussi, c'est là que ça marche le mieux».

Nous avons proposé un challenge à Samantha : tenter de compléter un album en un mois. Une vignette coûte 20 centimes, Samantha aura donc droit à 132 francs, soit la somme exacte pour acheter 660 vignettes. Seules consignes, ne pas acheter de boîte et faire le plus d'échanges possibles.

Mais retournons chez nos deux scientifiques qui ont maintenant fini d'analyser nos données. Alors la pénurie de certaines vignettes, mythe ou réalité ?

La réponse du statisticien Sylvain Sardy et sans ambiguïté, « Sur la base de ce test, on a pu démontrer avec une forte probabilité qu'il n'y avait aucune carte rare. »

Et oui, sur nos 6000 cartes, le meilleur joueur du monde Lionel Messi apparaît en 10 exemplaires. C'est plus que la moyenne et autant que l'obscur joueur Nord coréen Pak Nam Chol ! Idem pour LA fameuse vignette 000 préférée des enfants. Pas plus rare qu'une autre, elle apparaît en 10 exemplaires ! Mais qu'en est-il alors de l'équipe de Suisse ? « Il semblerait que ce soit un mythe. Les cartes de l'équipe suisse étaient réparties aussi bien que les autres cartes.» répond Sylvain Sardy.

Question alors, pourquoi ce sentiment de pénurie partagé par tous à chaque génération ?

Yvan Velenik, probabiliste, a une explication : « Si on considère par exemple un groupe de 10 enfants qui achètent chacun 100 pochettes, soit 500 vignettes par enfant, il est possible, il y a une probabilité d'au moins une chance sur 4 qu'il manque la même vignette à ces 10 enfants. Par conséquent, ils vont avoir l'impression que cette vignette est extrêmement rare puisque aucun d'entre eux n'a réussi à l'obtenir. »

L'autre explication est aussi psychologique. Selon Sylvain Sardy, « les 500 premières cartes qu'on va acheter, on va les acquérir très rapidement, par contre la dernière carte qui va nous manquer, on aura besoin grosso modo d'un 8e du temps, ce qui donne l'impression de rareté ».

Ainsi avec 233 pochettes achetées à la pièce, on obtient très facilement les 550 premières images.

Mais il faut 233 pochettes de plus pour récolter 90 nouvelles vignettes manquantes

Et encore 233 pochettes pour 17 vignettes manquantes supplémentaires.

Enfin les 3 dernières images ne seront obtenues qu'après l'achat de 233 dernières pochettes.

Autrement dit , plus on avance dans l'album plus il faut de temps pour obtenir une vignette manquante dans ce modèle théorique sans échange.

Ainsi, selon notre statisticien « Une maman qui va acheter ses pochettes à l'unité pour son enfant, aura besoin en moyenne de 930.—frs. Par contre, si l'enfant se permet de faire des échanges avec environ 10 amis, le coût reviendra en moyenne à 300.-- frs ».

Voyons si Samantha de son côté s'en sort mieux avec la technique des échanges. Très organisée, elle répertorie ses cartes : « Ca,c'est les fiches des vignettes qui me manquent et ça les fiches de celles que j'ai à double.»

Une semaine après le début de l'expérience, notre ado a déjà rempli 526 vignettes sur 660. Son compteur affiche 134 vignettes manquantes. «On a beaucoup les Asiatiques et l'équipe du Honduras .. mais peu de Suisses...!»

Puisque tout est histoire de probabilités, nos deux mathématiciens ont établi une stratégie pour remplir son album, qui mêle plaisir de l'échange en évitant la ruine des parents.

Acheter un carton de 500 vignettes, puisqu'ils ne contiennent aucun double, puis 40 pochettes. Echanger ensuite ces cartes de manière optimale avec 9 amis qui auront fait de même. Lorsqu'il ne vous manque plus que 50 vignettes, les commander par Internet chez Panini, car ce sont les plus difficiles à obtenir.

Coût total de l'opération: entre 125.-- et 155.-- frs selon le prix du carton.

Samantha, elle, continue inlassablement sa traque des vignettes manquantes.

Après 2 semaines, il ne lui manquait plus que 48 vignettes.

Après un mois exactement ,elle a finalement réussi son challenge et terminé son album. Les 2 dernières vignettes ont été les plus difficiles à obtenir, elle a mis une dizaine de jours à les trouver.

Samantha a obtenu son Graal, la dernière vignette manquante - une « brillante » de l'équipe de Nouvelle Zélande - au forceps grâce à « la connaissance d'une connaissance de sa cousine » !

Bref, défi réussi... Mais il y a encore d'autres méthodes, comme celle de Jean-Paul, un téléspectateur qui nous a écrit. Son album lui a coûté 99.25, au final, car il a revendu tous ses doubles sur Internet.

Quant aux cartons, il faut savoir qu'il ne contiennent aucun double. Leur contenu est donc aléatoire. Nous avons même fait une drôle de découverte : avec deux cartons dont les numéros de série se suivent, nous avons pu finir un album complet, alors que cette probabilité est normalement quasi nulle.. Mais là, c'est plus vraiment du sport !