Un peu de poésie...

Voici deux poèmes de Pascal Kaeser qui cachent des messages secrets...

Bibliographie de la cryptographie artistique

Ce que je dis est faux,
imprudent et
menant à l'échafaud.
Qui sait compter
trouvera le défaut.

Traquez le bug et puis
volez son or,
s'il en reste depuis
que Poe est mort,
pourrissant dans un puits.

Rebecca en pocket :
le péril boche.
Parfait pour Ken Follet !
Couvert et proche,
ce livre a sa recette.

Connaissez-vous Sandorf,
héros de Verne,
amateur de Carl Orff,
routard moderne
et vengeur polymorphe ?

Ratner est un rébus.
Savants et sots
méritent le gibus.
Don Delillo
nous mène en autobus.

Assez d'anesthésiques !
Passez le bac,
méditez les classiques !
Schoenberg et Bach
ont chiffré la musique.

Un sonnet merveilleux,
astral et dru,
a brûlé sous nos yeux.
Mais Boulle a su
peser ses mots soyeux.

Honoré de Balzac
simule un code
trop bizarre et micmac
pour être une ode
à l'hymen cul-de-sac.

Enigma et Turing :
quel beau duel !
Rendez-vous au meeting
du virtuel,
on a dressé le ring.

Raban Maur, juste et droit,
est un poète
obsédé par la croix.
Il la répète
à de nombreux endroits.

Des oeufs et du bacon,
c'est le repas
de Sir Francis Bacon,
qui, sans faux-pas,
chiffre quand il griffonne.

Le livre de Voynich,
long et croyable,
est-il un acrostiche
inextricable
ou l'oeuvre d'un derviche ?

Là, regardez Bobby :
il pointe et lance
son système bibi
sur la balance
qui lui sert d'alibi.

Raymond Roussel dit et
explique enfin
comment il a dicté
depuis la fin
certains de ses traités.

Desnos est zinzin et
l'asile ami
l'a emmagasiné,
l'a endormi,
lorsque son chant est né.

Accrocher : Commodien
l'a fait souvent.
Pour ce rhétoricien,
l'air et l'avant
se mélangent très bien.

Et Queneau, l'amiral,
se fit cimaise
pour chanter la cigale.
Effet balèze :
S + 7 nous régale.

Joyce et son Finnegan
sont plus terribles
que le forban Morgan.
Sont-ils lisibles
quand on n'est pas tzigane ?

Sherlock lit les messages
pourtant masqués.
L'oeil et l'esprit du sage
font remarquer
son lumineux passage.

Ce que j'ai dit et fait
vient d'un savoir
répandu par extraits.
À vous de voir
si tout cela est vrai.

Note
Le poème que vous avez lu
dissimule un message secret.
Voici quelques indices joufflus :
Vingt-six lettres forment l'alphabet.
Chaque strophe admet vingt-six syllabes.
Chaque strophe accueille un revenant,
un tout petit mot d'une syllabe.
À quel endroit ? C'est ça l'important !

Noyau colorié pour Arthur, par l'écho d'Iris

    B vert, C bleu vif, D brun, F or, G carmin, H gris, J prune, K rose, L jaunâtre, M bleu vieux, N saphir, P bismuth, Q brugnon, R ocre, S banane, T coco, V étonnant blé noir, X pur citron, Y jus d'orgeat brut, Z jade : consonnes, vos saluts sont sortis des sons fumants d'un chant éclos d'Iris.

    Parlons de vos teints natifs issus de l'éclair criant fortement son brûlant diktat. Vos sèves ont partout coloré l'imbu total du long dixit qui mène à l'indivis principe des suites que l'or divin du parler effiloche pour finir. Soyez nos districts !

    B vert de nuit plutôt raisin, humeur du soir qui brille, scorpion, crotale ou castor, bête prise, Osiris sur un fût gondolé ; C bleu aux festons si vifs, étoffe qu'un paternel Miro lèche, punition de Rossini ;

    D mitard sombre farci de rats, suçon brun d'un très maladif cubiste nourri d'ignobles personnes ; F silo d'un or homérique, mille fois fissible, plombé et réduit, îlot d'éons tombés diffus d'Isis, écus lippus, bordés et lourds, saluant les oisifs ;

    G kharmâ plutôt brûlant, trame de soi, signe intrus pour purger l'air du personnel bonheur d'être un singe vigneron, sort béni que Circé boit, filon d'argent et pile de bobos ; H esprit qui grise trop, sillon rempli de roidis milords, béton qui frissonne loin d'If ;

    J suave et lumineuse porte, fille choisissant la muscade dense quand l'hiver doit durcir l'image faite loin d'un pistil, nimbus supportant l'infinité saumâtre des truites qui piratent l'inhumain simili minus ou simili petit burnous, prune sage ou aubade d'Orsini ;

    K plaintif fleuron rose instruit des virgules, roi intimidé dès qu'il parade sur l'illustre scène du grand, du léonin Buzzati ; L mixture molle d'isthme voisin du lac des dodos salis que l'or livide, salé ou jaunâtre moisit ;

    M veillée, nuit insinuante, temps bleu du courage vomi sur le dos d'un mort proche ; N durable loisir, saphir portant six Lunes, voisin fictif des voisins riches, Pérou imparti si l'onde (ou l'indigo) refroidit ;

    P sorte de putois seul puant de moisir trop à Paris et à Disful, sermon du luxe ou vision sinistre ; Q fils d'abricot sans abri qui irrite Cicéron, hibiscus d'un émotif plumitif, pot à lait stimulant l'indécis démon d'Izmir ;

    R pierre de daim ou de pie trop civilisée, grès ni gros ni poli ni vicié, moulure d'or fin, imprécise peur d'Ivan (dit Ubu de Vérone ou fiel de Sérapis ou reître d'Orsini bis) quand il se fit néo-vizir ;

    S jivaro pelé ou mage perturbant le truc à Luc, maïs chu d'un artiste trop assidu, fumiste issu d'habits qu'une ombre dérobe ou baladin que l'ennui fléchit vigilamment, gibus qu'on fuit, miroir, fin d'inscription, tombe et litanie d'Orlov le bossu ;

    T fumoir isolé chimérique où un Pétrone turc surnage en air diffus, humour visité quand le bon pain qui gémit est roi ici ; V pointu pari, seigle dorloté, minuit triste, soir noir que le puissant pacte froidit ;

    X pipi acidulant le sourire du héros fini, citron vif que le forage mollit, fruit vidé dont l'ibis se fiche ; Y voisin d'un sugus mou (tiens, tiens !), voisin des boissons de Chine, voisin des épuisants apéros d'Irbid ;

    Z, du four au jour, tu démontras, jade verni, que l'espoir d'un tourbillon frappait plus fort quand le poison des limbes noircies offrit l'idoine chromo des sons tus.

Note
Ce jeu semble subtil.
Mais de quoi s'agit-il ?
D'un codage complet
du célèbre sonnet
intitulé " Voyelles ".
Un couple de voyelles
en chiffre chaque lettre
(comment se le permettre ?
au moyen d'un tableau
dont je vous fais cadeau).

E A U I O
E a b c d e
A f g h i j
U k l m n o
I p q r s t
O u v x y z

Jusque là, c'est facile,
nul besoin d'être habile.
Mais, pour qu'un chant résonne,
il faut que des consonnes
complètent les voyelles,
se raccordent à elles,
comme des dominos
devant former des mots.
Pondre ainsi une charte,
ce n'est pas de la tarte !


  Didier Müller, 16.1.21