Jean Trithème (1462-1516), Ioannis Trithemius en latin, abbé de son état, est considéré comme un des pères de la cryptographie. Il écrit des ouvrages de théologie et des ouvrages historiques sur les membres éminents de son ordre, tout en se passionnant pour l'astrologie, la magie et les sciences hermétiques. Vers 1499, il travaille sur sa stéganographie, en apparence un art de chiffrer les messages. À la suite d'indiscrétions, et comme il utilise des signes étranges dans sa stéganographie, on croit qu'il compose un grimoire de magie et il doit rendre des comptes. Il fait croire qu'il n'achèvera pas sa stéganographie et il rédige sa Polygraphie, qui forme la suite. Il continue aussi à approfondir la kabbale et à étudier la magie en protégeant ses travaux au moyen de ses méthodes de chiffrement. Il a un savoir immense, mais son goût immodéré pour les mystères et le fantastique lui vaut des ennemis, comme des protecteurs.
Son ouvrage le plus connu est Steganographia (Stéganographie), composé
vers 1499 et publié à Francfort en 1606. Cet ouvrage en trois
volumes se présente comme un traité d'angélologie d'inspiration
kabbaliste, avec des explications pour communiquer sur de longues distances
avec les esprits. Le véritable contenu, concernant la cryptographie,
est dissimulé par un procédé stéganographique.
Première clef : "le changement des voyelles avec les consonnes dans
certains mots : A = b, E =c, etc/, de sorte que "Trdthcmc" = "Trithème".
Deuxième clef : le premier mot et le dernier du message ne comptent pas,
seuls interviennent les mots pairs, et dans chaque mot ne jouent que les lettres
paires ; ainsi, le message "aceo atsrhiqt psalr chaetmce ulgp" devient
"atsrhiqt psalr chaetmce", puis "atsrhiqt chaetmce", enfin
"Tritheme".
En 1606, la méthode pour déchiffrer les deux premiers tomes est
publiée.
Le livre III décrypté en 1998Le
livre III est largement composé de tables de nombres, dont les colonnes sont
surmontées par des symboles zodiacaux et planétaires, suggérant des données
astronomiques. Contrairement aux deux premiers livres, il y a peu d'indices
pour aider à déchiffrer le contenu. / 644 650 629 650 645 635 646 636 632 646 639 634 641 642 649 642 648 638
634 647 632 638 633 635 642 632 640 637 643 638 634 / 669 675 654 675 670 660 675 661
651 671 664 672 657 655 667 658 673 675 660 651 675 669 663 658 660 667 637 665 662 668
663 659 /
Il remarqua que les "/" divisent les 160 premiers nombres
en 4 blocs de 40 nombres chacun. De plus, pour chaque bloc, presque tous
les nombres sont dans un intervalle numérique particulier.
Il trouva que, à quelques exceptions près, un nombre dans une ligne donnée
était plus grand de 25 au nombre corrrespondant de la ligne au-dessus.
La distribution semble suffisamment irrégulière pour correspondre avec un texte
latin ou allemand; ce n'est sûrement pas une suite aléatoire de lettres. Quelques
essais révèlent qu'un alphabet rétrograde de 22 lettres s'ajuste bien à la fréquences
des distributions observée: 650 = A, 649 = B, etc., avec un alphabet comprenant
les lettres A, B, C, D, E, F, G, H, I, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, X, Y, Z,
augmenté de trois symboles additionnels au-delà du Z (arbitrairement désigné
alpha, bêta, and gamma).
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Le
premier ouvrage imprimé, en latin, traitant de cryptographie est: «Polygraphiae
libri sex, Ioannis Trithemii abbatis Peapolitani, quondam Spanheimensis, ad
Maximilianum Ceasarem» (Polygraphie en six livres, par Jean Trithème,
abbé à Würzburg, précédemment à Spanheim, dédiée à l'empereur Maximilien). L'impression
fut achevée en juillet 1518 par Johannes Haselberg et l'ouvrage fut réimprimé
en 1550, 1571, 1600 et 1613. Une traduction française (annotée et considérablement
modifiée) due à Gabriel de Collange parut en 1561 et fut réimprimée en 1625.
Le premier des six livres contient 384 colonnes de mots latins, deux colonnes
par page.
Chaque mot représente une lettre de l'alphabet. Voici une page:
En prenant les mots représentant les lettres d'un message secret, il est possible
de construire des passages qui ressemblent à d'innocentes prières.
Par exemple, chiffrer le mot "code" donnera la phrase latine Conditor Imperator
Opifex Dominus. Ces sont les fameuses litanies de Trithème.
Didier Müller, 18.1.21 |