Les étudiants boudent les métiers de l'informatique. Alors que les entreprises cherchent à engager. Les aspirantes informaticiennes sont vivement encouragées.
Cette fois-ci personne ne donnera de chiffres. Car tout le monde a en mémoire le dernier avertissement, qui prédisait en 2000 une pénurie de 10'000 informaticiens en Suisse. Deux ans et demi et l'éclatement de la bulle internet plus tard, la tendance s'était méchamment inversée. Impossible de s'aventurer à prédire précisément l'évolution du marché. Mais le besoin d'informaticiens est réel, et augmentera encore à l'avenir affirme Christophe Andreae, président du Groupement Romand de l'Informatique et spécialisé dans le recrutement d'ingénieurs et de spécialistes en informatique.
D'autant plus que les filières de formation ont connu une baisse importante de fréquentation : entre 2001 et 2006, le nombre d'étudiants choisissant les filières informatiques dans les hautes écoles (EPF, HES et universités) suisses a diminué de moitié. « Aujourd'hui déjà, il y a une pénurie de personnel qualifié ». Pourquoi ? L'informaticien souffre d'un problème d'image, répond Christophe Andreae, celle « du boutonneux à lunettes qui mange des pizzas froides derrière son écran d'ordinateur, évidemment complètement fausse ». Il y a aussi les mauvaises expériences de tout un chacun peut avoir vécue ou entendus : « Trop d'informaticiens font encore des usines à gaz, ou n'intègrent pas encore assez l'utilisateur ». Et peut-être trop peu d'efforts de la branche elle-même pour corriger les préjugés, avance M. Andreae.
Côté études, l'informatique reste une des branches les plus faiblement fréquentées par les filles (13% en informatique et communication à l'EPFL contre 26% en moyenne dans l'école). « Ici, comme dans la plupart des pays européens, l'image de ce domaine est encore très masculine. Mais ce n'est pas le cas partout. En Asie, par exemple, les femmes représentent parfois plus de la moitié des étudiants et des employés dans la branche », commente Farnaz Moser-Boroumand, déléguée à l'égalité de l'EPFL.
Autre phénomène encore marqué: dès le plus jeune âge, les garçons sont plus habitués que les filles aux jeux avec écrans en tous genres et osent plus facilement partir à la découverte des logiciels. Ce que cherche à corriger l'EPFL avec ses cours « Internet pour les filles ». Farnaz Moser-Boroumand répète « il n'y a absolument aucune raison pour que les femmes ne choisissent pas cette branche. »
Au-delà des questions d'égalité des chances, se pose désormais la question de la compétitivité de la branche. « Pour garder ces emplois à haute valeur ajoutée en Suisse, nous avons besoin de tous les talents, et ceux des femmes manquent cruellement, affirme Christophe Andreae. La femme pourrait bien être l'avenir de l'informatique suisse ! »
L'opération séduction vise à montrer que l'informatique comprend de nombreux métiers très divers, permettant de travailler dans presque tous les secteurs économiques. Que ce soit dans les réseaux et l'infrastructure, le développement de logiciels ou tout ce qui touche à la mobilité, les défis sont énormes. «Les métiers de l'informatique demandent de plus en plus de relations interpersonnelles, permettent de travailler en projets et d'aboutir à un résultat concret. Sans oublier le fait qu'ils permettent un travail à temps partiel ou à la maison, ou au contraire de voyager ! », ajoute Christophe Andreae. Lui-même a été pendant dix ans dans le domaine et dit avoir surtout aimé les défis intellectuels que représentait l'informatisation d'une tâche.
L'association Informatica 08, avec le soutien de la fondation Hasler et de nombreuses entreprises, lance ainsi une campagne d'information dans les écoles suisses lance. Fribourg inaugure le « roadshow » (« Fit in IT ») en présence de la conseillère d'Etat Isabelle Chassot, mercredi 9 avril à l'université. Démonstrations, ateliers et témoignages de jeunes informaticiens seront utilisés pour informer et séduire. Le Salon de l'étudiant à Genève accueillera aussi l'exposition itinérante fin avril.
L'ancienne conseillère aux Etats Christiane Langenberger, membre du comité de patronage d'Informatica 08, regrette le peu d'ouverture de certains gymnases à la démarche, et leur repli face à ce qui est parfois considéré comme une irruption non désirée de l'économie dans le monde de l'enseignement. Mais les efforts de communication à l'égard des jeunes filles et garçons ne font que commencer : ils seront poursuivis toute l'année puis en 2009.

Source : Les quotidiennes