mardi 13 août 2013
Le dilemme du prisonnier, avec des prisonniers
Par Didier Müller, mardi 13 août 2013 à 09:19 - Jeux / Théorie des jeux
La théorie des jeux apprécie en particulier un jeu de décision assez extrême proposé comme idée en 1950 par Albert W Tucker. La petite histoire théorique de ce jeu le plus célèbre de la théorie est que la police arrête deux criminels (qui peuvent donc aller en prison). La police place les deux personnes dans deux cellules distinctes. Elle interroge ensuite séparément (c'est important) les deux criminels en leur proposant un marché aux conséquences évidemment graves.
La police propose l'option de dénoncer l'autre prisonnier comme celui qui a perpétré le crime, celui qui le fera sera libre tandis que le prisonnier dénoncé écopera d'une peine de trois ans. Si tous les deux restent solidaires et ne dénoncent pas l'autre, ils écoperont chacun d'un an. Si tous les deux dénoncent l'autre (sans connaître l'action de l'autre), ils écoperont chacun de deux ans de prison.
Dans le cadre de cette théorie et pour une seule « partie », on pense que chaque individu est égoïste et pense à maximiser son intérêt en pensant que l'autre agit de la même manière : les deux ont plutôt envie de dénoncer l'autre pour ne pas être le dindon de la farce. On dit « plutôt », car tout le monde ne réagit pas de la même manière.
Notons au passage qu'une version alternative de ce type de jeu est le « Chicken game » (poule mouillée). Vous avez vu ce jeu idiot dans le film « La fureur de vivre » avec James Dean comme acteur principal. Les 4 options sont les mêmes : un gagnant et un perdant (joueur 1 ou joueur 2), ou les deux perdants ou les deux gagnants.
Notons que l'option à choisir dépend fortement de s'il s'agit d'un jeu unique ou s'il se répète. Dans ce cas, la coopération est plutôt à choisir, sinon l'autre va vous punir au prochain tour. Deux économistes de l'université d'Hambourg se sont demandé ce qui se passerait vraiment en pratique avec des prisonniers par rapport à des étudiants qui se « pensaient prisonniers ».
La surprise est que les prisonniers sont beaucoup plus coopératifs que l'on s'y attendait. Cette fois, les étudiants pouvaient gagner quelques euros et les prisonniers des cigarettes ou du café. La théorie des jeux et les recherches économiques ont montré que les humains sont bien plus coopératifs à la base que ne le serait une pensée rationnelle pure (ordinateur). Pour les jeux simultanés, lors d'une partie unique donc, on a été surpris de voir la différence entre les étudiants et les prisonniers : 37 % des étudiants ont coopéré, mais 56 % des prisonniers ! C'est étonnant de voir autant de confiance « à l'aveugle ». Pour le jeu séquentiel par contre, les étudiants et les prisonniers font à peu près pareil (63 % de coopération pour les étudiants).
Bien entendu, le défaut principal de cette étude est que la récompense est faible. On ne parle pas d'années de prison. Il est tout de même étonnant de voir que la réponse humaine dépend largement du contexte.
Référence : Menusch Khadjavi, Andreas Lange. Prisoners and their dilemma, DOI: 10.1016/j.jebo.2013.05.015
Source : Sur-la-Toile
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