On devrait penser à elle chaque fois que l’on cherche son chemin à l’aide d’un smartphone, et, pourtant, le monde et l’histoire ont failli oublier Gladys West, une mathématicienne noire enfin reconnue, à l’âge de 87 ans, pour son rôle essentiel dans l’invention du système GPS. Le 6 décembre 2018, lors d’une petite cérémonie au Pentagone, la douce mamie a été officiellement inscrite dans le “Hall of Fame”, soit le panthéon des “pionniers de l’espace et des missiles”, la plus haute distinction dévolue par le commandement de l’US Air Force.
Gladys, fille de métayers des environs de Richmond, en Virginie, boursière émérite du Virginia State College, a commencé en 1956 à gratter ses équations au laboratoire des armements de la Navy à Dahlgren, dans ce même État. C’était l’une des quatre recrues noires de la base, et elle s’est d’abord fait un nom grâce à ses recherches sur la trajectoire de Pluton par rapport à Neptune, avant de travailler à la programmation du pachydermique ordinateur IBM 7030, chargé de définir les paramètres de la surface terrestre, préalable militaire au premier “Geopositioning System”, le fameux GPS.
Campée dans le film Les Figures de l’ombre, parmi les petites mains noires de l’aventure spatiale américaine, la pionnière des algorithmes n’a eu droit qu’à une seule interview, dans le Free Lance Star, un journal de Fredericksburg, Virginie : une ode modeste à l’école publique, à ses profs et à sa bosse des maths qui lui ont permis d’éviter l’avenir que lui imposait son milieu et sa couleur de peau : le travail à la chaîne dans l’usine de cigarettes locale…

Source : Philippe Coste, Courrier International