Luca Pacioli (1445-1514) est la figure centrale de cette peinture de (probablement) Jacopo de' Barbari* (1495). La toile est signée "Jaco. Bar".
Pacioli, un frère franciscain, se tient à une table couverte d'outils mathématiques (équerre, compas, modèle de dodécaèdre, etc.) et illustre un théorème d'Euclide, tout en examinant un rhombicuboctaèdre (polyèdre archimédien composé de 26 faces: 18 carrés et 8 triangles équilatéraux) à moitié rempli d'eau. Il est possible que ce polyèdre ait été rajouté après coup par Léonard de Vinci, seul peintre de la Renaissance capable de cette prouesse, et qui était très ami avec Pacioli. Ce solide correspond à la planche XXXV du De Divina Proportione, écrit par Pacioli, illustré par De Vinci et publié à Venise en 1509.
Le gros livre sur lequel repose un dodécaère serait la Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni et Proportionalità, traité encyclopédique des mathématiques rédigé par Pacioli en italien (et non en latin) et publié à Venise en 1494.
Le livre ouvert sur la table est une traduction latine des Eléments d'Euclide, imprimé en 1482 à Venise par Erhald Ratdolt. Nick MacKinnon a même pu identifier la page et le théorème que Pacioli indique: "le carré du côté de l'angle équilatéral est le triple du carré du rayon de son cercle circonscrit". Ceci relie le livre ouvert à la figure de l'ardoise.
Le personnage à gauche de Pacioli serait selon certains Guidobaldo, duc d'Urbino, car le tableau lui est dédié. Cependant, il ne lui ressemble pas. D'autres experts soupçonnent un auto-portrait de l'auteur (M. Davis) ou le portait d'Albrecht Dürer (N. MacKinnon). La rencontre entre Dürer et Pacioli n'est pas démontrée, mais on sait que Dürer était à Venise pendant l'hiver 1494-1495. De plus, Pacioli était aussi à Venise pour la parution de la Summa.
Le Nombre d'Or affirme sa présence dans ce tableau. En effet on peut observer que, si on nomme A et B les extrémités du segment déterminé par le bas du livre ouvert et M le point défini par le pouce gauche de Pacioli, on a : MB/MA=1,6.

A lire: "The portrait of Fra Luca Pacioli" par Nick Mackinnon, The Mathematical Gazette, 77 (1993) pp. 130-219.