Maryam Mirzakhani, première femme à décrocher la médaille Fields
Par Didier Müller, mercredi 13 août 2014 à 19:23 - Actu - #2600 - rss
Comme tous les quatre ans depuis 1950, le Congrès international des mathématiciens (ICM, International Congress of Mathematicians) est l’occasion de l’attribution de la mythique médaille Fields que l’on considère comme l’équivalent du prix Nobel. Elle s’accompagne d’un prix d’environ 11.000 euros et les lauréats, quatre mathématiciens au plus, doivent être âgés de moins de 40 ans. Les premières médailles Fields ont en réalité été décernées en 1936 et, fait qui peut intriguer, depuis cette époque les 52 lauréats étaient tous des hommes.
Cette année, l’ouverture de l’ICM s’accompagne d’un véritable coup de tonnerre puisqu’il a été annoncé officiellement qu’en plus du Franco-Brésilien Artur Avila, de l'Autrichien Martin Hairer et du Canado-Américain Manjul Bhargava, il y avait une femme parmi les lauréats. Il s’agit de la mathématicienne iranienne Maryam Mirzakhani. Le fameux journal Quanta Magazine de la Simons Foudation consacre d’ailleurs un article entier à la chercheuse. Pure produit du système d’éducation ultra-élitiste en Iran, la mathématicienne n’en a pas moins passé son doctorat à l’université d’Harvard aux États-Unis sous la direction d’un autre lauréat de la médaille Field, Curtis McMullen. Après avoir décroché son diplôme en 2004, elle passera quelques années à Princeton avant de s’établir à Stanford où elle est professeur depuis 2008.
Née en 1977 à Téhéran a fait partie d’une génération qu'elle décrit comme chanceuse, c'est-à -dire ceux dont l’adolescence s’est déroulée après la guerre Iran-Irak. Initialement, elle n’avait pas l’intention de devenir mathématicienne et s’intéressait à tous les livres qui pouvaient lui tomber sous la main. Sortant de l’école primaire, elle a même eu pendant un temps une expérience désagréable avec les mathématiques. Un de ses professeurs pensait même qu’elle n’était pas particulièrement douée, ce qui a été une source de découragement pour elle, brisant temporairement sont intérêt naissant pour les mathématiques. Heureusement, cette situation ne dura pas longtemps et au cours des années qui allaient suivre, elle se révéla être un prodige en mathématique. Elle décrochera deux fois la médaille d’or aux Olympiades internationales de mathématiques en 1994 à Hong Kong puis en 1995 à Toronto avec le plus haut score possible.
Des surfaces complexes fertiles en applications
Les travaux de la mathématicienne portent sur la géométrie et la topologie de ce qu’on appelle les surfaces de Riemann, des surfaces comme celle d’une sphère ou d’un bretzel dont la description est étroitement liée aux fonctions dont les variables sont des nombres complexes. La chercheuse s’est plus particulièrement intéressée à celles dotées d’une métrique dite hyperbolique. La surface d’une selle de cheval, avec sa courbure négative différente de celle d’une sphère qui est positive, possède une métrique hyperbolique. Avec son collègue le mathématicien Alex Eskin elle a établi des ponts remarquables entre la théorie des surfaces de Riemann et la théorie des systèmes dynamiques. Comme dans le cas des travaux de Yakov Sinai sur la théorie ergodique, les deux chercheurs ont utilisé le comportement des trajectoires de boules sur des billards de formes diverses pour explorer le comportement de certains de ces systèmes dynamiques.
Situés à l’intersection de la géométrie différentielle, de la topologie et de la théorie des fonctions les travaux de Maryam Mirzakhani relèvent de prime abord des mathématiques pures mais on sait bien que celles-ci ont souvent, parfois des décennies et même des siècles plus tard, des implications inattendues dans les sciences naturelles. Comme la théorie des surfaces de Riemann occupe un position très importante dans le cadre de la théorie de supercordes, et même dans divers secteurs de la physique, on peut peut-être s’attendre à quelques surprises. D’autant plus que certains résultats obtenus par la mathématicienne sont déjà en connexion avec la théorie des cordes et les travaux de deux autres lauréats de la médaille Fields sur le sujet, Edward Witten et Maxim Kontsevich.
On peut penser que cette première attribution d’une médaille Fields à une femme servira à réduire l’écart entre le nombre de mathématiciens masculins et féminins comme l’espère la chercheuse qui a déclaré dans un communiqué de l’université de Stanford : « c'est un grand honneur et je serais heureuse si cela encourage de jeunes femmes scientifiques et mathématiciennes », ajoutant « je suis convaincue que de nombreuses autres femmes recevront ce type de récompense dans les prochaines années ».
Source : Futura-Sciences
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