Deux mathématiciens français ont battu un record dans le domaine des nombres premiers, en créant un polynôme inédit. «Nous avons souri quand l’ordinateur a sorti son listing avec le résultat», se souvient, heureux, François Dress, professeur émérite en mathématique à l’université de Bordeaux. Avec son collègue Bernard Landreau, maître de conférences à l’université d’Angers, il vient de battre, grâce à une "grappe" d'ordinateurs, un record étonnant. Il s'agit de la plus longue suite de nombres premiers tirés des valeurs consécutives prises par un polynôme.
Un polynôme P est une fonction mathématique de la forme, P(x) = AxN+BxN-1+....+Hx+K. Le polynôme le plus connu est l’équation d’une parabole, P(x)=x2.
Le leur s’écrit P(x)= (1/72)x6 – (5/24)x5 – (1493/72)x4 + (1027/8)x3 + (100471/18)x2 –(11971/6)x – 57347. Et si x prend les valeurs de –42 à +15, soit 58 entiers consécutifs, alors le résultat donne 58 nombres premiers (des nombres seulement divisibles par un et eux-mêmes), comme 39300979, 32074681.... C’est le fameux record.

Six mois de calcul

Il aura fallu près de six mois de calcul avec une quarantaine de processeurs en parallèle du Centre de Calcul Intensif des Pays de Loire et du CNRS, pour parvenir au résultat, qui a nécessité de tester plus de 300 milliards de milliards de polynômes.
L’histoire de ce record remonte à Euler qui en 1772 trouve que le polynôme x2+x+41 donne 40 nombres premiers lorsque x prend la valeur des 40 entiers, de 0 à 39. En 1989, Ruby fera mieux avec 45 valeurs -record actuel dans la catégorie des polynômes dit de degré 2 car ne faisant intervenir que des puissances de 2 au maximum.
Puis en 2001, Dress et Landreau, déjà eux, ont trouvé un polynôme de degré 4 et un autre de degré 5 ayant 49 valeurs consécutives donnant des nombres premiers. En 2002, ils trouvent un polynôme de degré 5 et 57 nombres premiers. Et huit ans plus tard, c’est le record actuel.

Pas de limite

En théorie, il n’y a pas de limite à ce que quelqu’un puisse faire mieux. Mais en pratique, cela peut s’avérer très long. «C’est un domaine très étroit des mathématiques, mais ce qui nous motive outre le record est de trouver les techniques et théories qui permettent d'augmenter l'efficacité des calculs, et de mieux comprendre le comportement des polynômes. C’est aussi un moyen de sonder les mystères de l’ensemble des nombres premiers», explique François Dress.
Pour exposer leur modèle et leurs résultats, les deux mathématiciens préparent maintenant un article pour la revue Journal of experimental mathematics.

David Larousserie, Sciences et Avenir.fr, 23/09/10